Jeanne-Prosper Cordier de Launay, appelée couramment Anne-Prosper, est née le 27 décembre 1751 de l’union de Claude René Cordier de Montreuil, président de la Cour des aides de Paris, avec Marie Magdelaine Masson de Plissay.

 

Sa sœur Renée-Pélagie, de 11 ans son ainée, épouse Donatien-Alphonse, marquis de Sade, en 1763.

 

Anne Prospère est adolescente quand elle fait la connaissance de celui-ci. Il semble qu’elle ne tarde pas à succomber aux avances de son sulfureux beau-frère.

 

Pourtant, comme la quasi-totalité des jeunes filles nobles du XVIIIème siècle, sa destinée semble tracée par sa famille : elle sera chanoinesse, recevra au Chapitre une éducation de qualité, et fera un mariage avantageux pour les deux familles.

 

Etape indispensable à l’admission dans un chapitre, elle présente donc ses preuves de noblesse, qui sont validées par les chanoines-comtes de Lyon le 28 septembre 1771. Elle est apte à être reçue au chapitre Saint-Denis d’Alix.

 

Le 12 octobre 1771, plusieurs actes y sont rédigés : l’un attestant de l’acceptation de ses preuves et de son admission au chapitre par les autres chanoinesses et l’autre pour acter sa « prise d’habit », ou noviciat. Ce deuxième acte précise la présence à cette cérémonie de sa sœur Renée-Pélagie et du Seigneur de Sade. Anne-Prosper ne signe que le premier. Le second ne comporte aucune signature, la cérémonie de prise d’habit n’a donc pas eu lieu.

 

Des documents conservés dans la famille Cordier de Montreuil et aimablement transmis par ses descendants nous éclairent sur ces événements :

 

Anne Prosper avait décidé de rejoindre la Provence dans la propriété de son beau-frère (et amant) après la cérémonie pour y passer quelques mois. Or selon les statuts du chapitre, toute chanoinesse nouvellement reçue est tenue de demeurer deux années au chapitre sans en sortir.

 

Elle a donc fait le choix de renoncer à la prise d’habit ce jour là, promettant d’y revenir au printemps suivant. Elle ne le fera pas, et ne recevra donc jamais le titre, accompagné du cordon et de la croix, de Chanoinesse.

 

Bien qu’il ait surement été à l’origine de ce revirement, Sade aurait toutefois souhaité qu’elle ait ce titre. Malgré tous ses efforts ultérieurs, et malgré les offres financières et les pressions du marquis sur la prieure Louise Musy de Véronin, Anne-Prosper ne l’obtiendra jamais.

 

Elle réside un moment au château de Lacoste dans le Vaucluse en compagnie de sa sœur et de son beau frère puis celui-ci l’emmène à travers l’Italie, de Genève à Venise puis à Gênes.

 

A l’issue de ce voyage, peut-être lassée de la vie de débauche proposée par Sade, Anne-Prospère le quitte pour se retirer dans un couvent du Massif Central.

 

Elle décède en 1779 à 29 ans à Paris dans l’hôtel particulier de ses parents.

 

Durant toute la fin de sa vie, Sade emprisonné demandera des nouvelles d’Anne-Prosper, ignorant son décès. Sa femme Renée-Pélagie ne lui dira jamais la vérité.

 

Il paraît qu’à la mort du marquis, 35 ans après celle d’Anne Prosper, on a retrouvé dans un médaillon qu’il portait au cou un portrait de celle qu’il appelait « la Chanoinesse », bien qu’elle ne l’ait jamais été.